Le Kaléidoscope, 1955
Le metteur en scène crée son spectacle à partir d'un texte, il l'anime par l'acteur, le geste, la voix, le décor, la couleur et la lumière. Mais qui nous empêche d'imaginer un instant et pour une fois, une organisation différente : le décor, point de départ, puis la musique, le jeu des acteurs, le texte.
L'auteur a composé un texte, le mime, le danseur une chorégraphie, le musicien la partition, qui illustrent et animent la toile du peintre. On a inversé les rôles.
Je me propose de réaliser un spectacle dans lequel je prendrai effectivement comme point de départ l'élément pictural autour duquel seront bâtis la musique, la danse, le jeu, le chant, et même le texte.
La toile servant de décor est celle d'un peintre tout à fait abstrait (Kandinsky ou Mondrian) : des formes, des couleurs, une composition, une matière, c'est tout.
Ou plus encore, des formes et des couleurs en mouvement tenant lieu de décor et entrainant dans leur rythme et leurs rondes les autres machines du spectacle. Rien ne nous empêche, dans ce même jeu, d'inverser et d'organiser le spectacle à partir de la musique, de la danse, du simple geste, et, pourquoi pas, du texte.
Un des principes essentiels de ce kaléidoscope, principe de vie, est le mouvement. Tous les éléments du spectacle sont mobiles.
Mais qu'il me soit encore permis d'imaginer le spectateur futur dans une cage de plexiglas avec deux abdomens et deux visages comme les personnages de toiles cubistes. Entouré de sons, lumières, de couleurs, de formes, d'ombres, il sera perméable, et de tous ses sens, à toutes les multitudes de combinaisons, d'harmonies, de disharmonies, de rythmes, de sons, perméable à tous les points, droites, courbes, angles, lignes visuelles, auditives, statiques et dynamiques qui se dérouleront dans le magnifique et extraordinaire kaléidoscope. Les rails du spectacle se rapprocheront se croiseront, puis parallèles pendant un temps, s'éloigneront l'un de l'autre dans un feu d'artifice perpétuellement renouvelé et une perpétuelle fête.